Je vous écris depuis le congrès de la FNSEA…

Marc Fesneau à ses ami·e·s de l’agriculture productiviste : « Vous reprendrez bien une coupe de S-métolachlore ? »

Lorsque l’on tape S-métolachlore sur le site de l’ANSES, on apprend que cet herbicide, particulièrement utilisé pour les grandes cultures (maïs, tournesol, soja), peut provoquer des allergies cutanées et qu’il est très toxique pour les organismes aquatiques, avec des « effets néfastes à long terme ». Pour faire simple, cette molécule artificielle pollue nos sols, eaux de surface, nappes phréatiques et empoisonne l’eau du robinet de 3,5 millions de nos concitoyen·ne·s en 2021. Achevons ce portrait avec l‘avis de l’Agence européenne des produits chimiques (pas une officine écolo-terroriste radicalisée !) qui l’a classé comme « substance cancérigène suspectée ».

Au vu de ces éléments, la plupart des êtres humains normalement constitués préférerait ne pas croiser la route du S-métolachlore, ne pas en trouver dans leurs rivières ni dans leurs verres.

Eh bien, ça n’est pas le cas de tout le monde ! Marc Fesneau (qui n’est pas monsieur Tout-le-monde puisqu’il est ministre de l’agriculture) a manifesté récemment le souhait de revenir sur l’interdiction du poison. Son argumentaire imparable prétend, entre autres, que la décision d’interdiction de l’herbicide par l’ANSES « n’est pas alignée sur le calendrier européen » et que les « alternatives crédibles » sont absentes… La belle affaire ! Pour résumer la position ministérielle, on peut dire que le ministre et son entourage font le choix de protéger chimiquement les cultures de maïs, tournesol et soja (dont nous raffolons toutes et tous) au détriment de la qualité de l’eau, pourtant vitale pour toutes les espèces vivantes sur cette planète, dont la nôtre.

Alors, on s’interroge… À l’heure où le rapport du GIEC tire, encore une fois, le signal d’alarme sur la consommation et la qualité de l’eau ; à l’heure où la catastrophe climatique rend la ressource de plus en plus rare ; à l’heure où Macron présente le Plan eau dont le volet III entend « Préserver la qualité de l’eau et restaurer des écosystèmes sains et fonctionnels »… Pourquoi le ministre souhaite-t-il prendre une décision si paradoxale ?

Pour répondre à cette question, nous pourrions en poser une autre. Qui le ministre a-t-il bien pu rencontrer au congrès de la FNSEA ? Et là, tout s’éclaire ! On imagine aisément les lobbies des grandes cultures, venant pleurer dans le giron de Marc Fesneau, arguant que cette interdiction du S-métolachlore porterait un coup fâcheux aux rendements de leurs productions (de maïs, soja et autres betteraves…) et à leurs profits par conséquent.

Encore une fois, les choix de ce gouvernement privilégient un modèle agricole capitaliste, industriel, productiviste et intensif. Les dangers de ce modèle sont connus et révélés par bon nombre de journalistes et scientifiques indépendant·e·s. depuis des décennies : dissémination de substances chimiques cancérigènes, pollution et mort des sols agricoles, surconsommation et altération de la ressource en eau (voire sa confiscation au profit d’une minorité, comme avec les méga-bassines des Deux-Sèvres et d’ailleurs), déstabilisation des systèmes agraires mondiaux, entraînant des famines endémiques… Nous pouvons malheureusement faire nôtre cette formule de Jean-Paul Deléage : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

Syndicalistes aux ministères de l’agriculture et de l’environnement,
nous ne pouvons que dénoncer et combattre ces choix politiques ubuesques et mortifères.

Nos vies valent mieux que leurs profits.

À nouveau, il va falloir monter au créneau pour défendre nos droits et ceux des générations futures : droit à la vie, droit à un accès équitable à des ressources saines, droit de décider collectivement des politiques agricoles et environnementales, à même de garantir de dignes conditions d’existence pour toutes celles et tous ceux qui travaillent la terre sur cette planète limitée.

PS : en vérité, nous ne sommes pas allés au congrès de la FNSEA !
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